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U.V. (BANDE ANNONCE 2006) avec Jacques DUTRONC - Marthe KELLER - Nicolas CAZALE - Laura SMET

Publié le par ERIC-C

U.V.

Thriller français de Gilles PAQUET-BRENNER

avec Jacques DUTRONC - Marthe KELLER - Nicolas CAZALE - Laura SMET

L'HISTOIRE : Une villa sur une île, au plus fort de l'été.
Un jour, Boris surgit. Il vient rendre visite à Philip, son vieil ami de lycée. Seulement Philip n'est pas là. Il n'arrivera que demain, après-demain au pire, on ne sait pas.
Courtois, homme avisé et sûr de lui, Boris s'installe. Très rapidement, il se fond dans le décor et s'avère être le convive parfait, l'élément distrayant. Ravis, charmés et même manipulés à leur insu, tous se laissent happer par son terrible pouvoir de séduction.
Seul André-Pierre a décidé de se méfier. Il n'aime pas ce genre de type balnéaire et bronzé. Et puis, pourquoi Philip n'arrive-t-il pas ? Pour lui tout alimente l'inquiétude, jusqu'à cette canicule qui entête, qui échauffe les corps avant les esprits. Jamais il n'a fait aussi chaud, jamais la mer n'est apparue aussi désirable et haute, juste là, en bas des marches, par où Philip arrivera.

NOTE D'INTENTION DU REALISATEUR

Entre thriller, comédie de moeurs et satire sociale

Quand je parle du projet à des proches, la première question qu’ils me posent est : “c’est quel genre de film ?”. Et je me retrouve toujours un peu embarrassé pour répondre, car je ne voudrais pas réduire le film à un thriller, même si il en a toutes les caractéristiques. Le point commun entre beaucoup de polars, thrillers ou films noirs est qu’ils se servent d’une intrigue agréable au spectateur comme diversion pour raconter autre chose. C’est le cas ici. Le film propose en effet la radiographie, d’abord sur un ton léger, ensuite plus sombre et cynique, d’une famille qui nous semble au premier abord au-dessus de tout soupçon. L’arrivée d’un intrus va fissurer le bel ensemble et révéler les doutes, failles, regrets et obsessions de chacun de ses membres, ainsi que leurs secrets les plus intimes. Un drame va se nouer dans une fausse langueur pour aboutir à une conclusion glaçante : les liens sociaux et du sang, même irrationnels, priment toujours. Les chasseurs ne sont pas forcément ceux que l’on croit, ils se transforment en proies, voire en jouets, pour ceux qui, unis, argentés et conscients de leur pouvoir et leurs privilèges, seront toujours les plus forts.

Un film d’atmosphère, de symboles, entre rêve et réalité

 

La chaleur écrasante, le soleil qui fait mal aux yeux, une piscine dont les lignes de fuite se confondent avec l’horizon, nous sommes en terrain familier. Et l’idée est de renforcer toutes ces impressions par la lumière et la mise en scène. Une pellicule peu contrastée, des filtres pour accentuer encore la douceur d’une image surexposée que le soleil irradie. Renforcer les impressions jusqu’à l’absurde pour amener une étrangeté, une atmosphère irréelle. Peu de mouvements, l’immobilité entraînant le sentiment que tout peut arriver. Là est tout le principe du film : être à la fois feutré et bouillonnant, osciller entre confort et malaise, ne jamais être sûr des personnages et de leurs intentions, voire même de leur existence. Car plus qu’une histoire au premier degré, il s’agit ici d’un conte. Un conte cruel. Or les contes sont remplis de symboles, ici évidents : une île, une maison qui la domine, leurs habitants qui regardent au dehors à l’aide de jumelles, de loin, ne voulant pas se mélanger. C’est donc l’extérieur qui va venir à eux. L’homme est étrangement parfait, difficile à appréhender, habillé en blanc, avec des lunettes de soleil miroir. Le noir absorbe la lumière, le blanc la réfléchit. Ce n’est donc pas lui qu’on regarde, mais soi-même. Il cristallise la personnalité profonde de chacun. Est-il seulement vivant, serait-il un spectre ? Car la toute fin du film laisse planer le doute. L’histoire ne livre pas tous ses secrets, car elle a l’ambition de ne pas quitter le spectateur en sortant de la salle.

Boris doit continuer à distiller son venin et susciter des interrogations…

 

ENTRETIEN DE GILLES PAQUET-BRENNER ET LOLITA PILLE

Qu’est-ce qui vous a convaincu tous les deux d’adapter le roman de Serge Joncour : ses qualités “cinématographiques” ?

GPB : Il y avait effectivement une atmosphère “visuelle” très forte dans le roman c’est un bouquin d’atmosphère au même titre que le film est aujourd’hui un film d’atmosphère - mais aussi une intrigue qui tenait en haleine : il ne se passait pas grand-chose, mais suffisamment pour que l’on ait envie de connaître la suite, avec une fin relativement ouverte. Du coup, j’avais envie de faire un film qui soit semblable à un conte, que l’on ne sache plus vraiment à l’issue du film si l’on est dans le réel ou dans le domaine du rêve, du fantasme. En temps normal, je ne suis pas forcément client des fins ouvertes, qui peuvent être un petit peu frustrantes pour le spectateur, parce que cela remet en cause beaucoup de choses qu’il a vues auparavant, mais nous avons toujours considéré qu’UV serait un film qui devait continuer à vivre après que le spectateur l’ait vu. On continue à se poser des questions en sortant de la projection. Ce n’est pas un film prêt à consommer, il demande un peu plus d’efforts et garde un vrai mystère.

 

 LP : La fin du roman de Serge Joncour laissait effectivement libre cours aux interprétations, aux fantasmes. Mais dans la mesure où l’histoire se concentre sur deux protagonistes dont les objectifs se heurtent - le père qui veut protéger sa famille et l’intrus qui cherche à l’infiltrer – leur affrontement final était inévitable : c’est une vraie fin de western.

 GPB : Ce qui est intéressant aussi dans le roman, c’est que sous son aspect glacé, il traite de beaucoup de thèmes qui permettaient de réaliser un thriller, une comédie de moeurs, mais aussi un vrai film social à mon sens : Boris, qui sort de prison, se retrouve dans le luxe absolu, chez une famille de grands bourgeois qui vit dans un magazine.

LP : En le poussant un peu, Serge Joncour affirme d’ailleurs qu’il a écrit quelque chose de social. Le livre, et par extension le film, peuvent être interprétés comme la démonstration que les nantis sont toujours gagnants, quoi qu’il arrive. Boris a beau représenter un vrai soulagement pour cette famille qui s’ennuie et qui trouve en lui l’attraction de la semaine, il n’a pas les armes…

 

Lolita, votre expérience sur HELL, tiré de votre propre roman, vous a-t-elle servi pour l’adaptation d’UV ?

 LP : Cela m’a appris une chose : ne jamais décevoir un écrivain, ne jamais empiéter sur sa démarche. J’ai lu le roman de Serge, que j’ai beaucoup aimé, j’en ai gardé les éléments dramaturgiques et j’ai écrit le premier jet du scénario en suivant les indications de Gilles, sans entrer dans une profession de foi personnelle : j’ai essayé un maximum de faire l’intermédiaire entre une volonté d’auteur et une volonté de réalisateur. 

GPB : Ce que Lolita a vraiment apporté, ce sont les dialogues, qui étaient très peu présents dans le roman.

LP :  La grande difficulté de l’adaptation d’un roman, c’est de faire passer l’introspection en images. Et le roman de Serge était vraiment fait de l’introspection de six personnages. Toute la difficulté était donc de traduire le chaos mental de chacun, que j’ai essayé de faire passer dans les dialogues.

GPB : La grande force de Lolita a été que dès le premier jet, elle a réussi à faire que l’on ne s’ennuie pas, et c’était loin d’être évident. D’ailleurs, Serge Joncour est ravi de son adaptation.

 LP :  En tout cas je voulais que le film soit fidèle au roman, j’avais vraiment envie de ne rien affecter. Mon travail a été de respecter, de préserver le texte. Un auteur heureux de son adaptation, cela n’a pas de prix, et je suis moi-même très heureuse du film pour cette raison.

On pense évidemment au film de René Clément, PLEIN SOLEIL…

  GPB : Bien sûr, mais ma principale référence, c’était LES PROIES de Don Siegel. Autant l’univers visuel renvoie à PLEIN SOLEIL, à LA PISCINE ou même au MÉPRIS, avec cette lumière très blanche, autant thématiquement, ce sont LES PROIES qui m’intéressaient, avec cette idée du supposé loup qui se transforme en proie. Mais il y a effectivement un côté très sixties dans UV.

Y compris dans une certaine fascination pour la beauté, l’esthétique…

GPB : Oui, c’est un film très plastique. L’esthétique dominante dans le cinéma actuel est vraiment ancrée dans le réel, avec beaucoup de caméra à l’épaule, y compris dans les blockbusters américains comme LA MORT DANS LA PEAU ou LES FILS DE L’HOMME, et nous avions envie, au contraire, d’un film très statique, d’une caméra posée qui utilise les lignes d’horizons et le scope. Avec le chef opérateur Diego Martinez-Vignatti, nous avons également voulu concevoir les décors comme des espaces mentaux : nous avons utilisé une gélatine différente pour chacune des pièces, avec une teinte qui corresponde à chacun des personnages. On a voulu jouer un peu de l’inconscient du spectateur, en distillant des informations à travers la lumière et le cadre sans que rien ne soit jamais affiché. Je vois un peu le film comme une poupée russe, en tout cas c’est comme cela que je voulais le construire.

Avez-vous également utilisé la symétrie des espaces et les gros plans pour renforcer l’impression d’enfermement ?

GPB : Paradoxalement oui. Ce sont des gens qui ont des horizons infinis mais qui vivent sur une île et cela correspond assez bien à leur statut social : quelqu’un qui a beaucoup d’argent et qui peut donc faire ce qu’il veut, est pourtant conditionné, par son éducation, pour rester dans sa caste. D’où le symbole de l’île.

 

Pour autant, vous n’avez pas tourné sur une île mais à Ramatuelle : du coup, avez-vous particulièrement travaillé avec les comédiens sur cette sensation d’isolement, d’enfermement ?

GPB : J’imagine que cela dépend des metteurs en scène mais personnellement, ce n’est pas ma méthode. Je considère que les acteurs sont de grandes personnes qui savent exactement ce qu’elles ont à faire. Si vous prenez Jacques Dutronc, dans la mesure où il vit les trois quarts de l’année en Corse, il comprenait très bien ce que ressent son personnage. C’est finalement un hasard que nous ayons tourné à Ramatuelle : le plus difficile était de trouver la maison. Il fallait qu’elle ait l’air d’être isolée et, en même temps, que rien dans son entourage ne puisse déterminer où elle se trouvait. Si l’on avait reconnu la localisation de la maison, on aurait entaché le côté symbolique de l'histoire.

Comment avez-vous trouvé votre Boris ?

 

 

GPB : Boris, c’est un rôle compliqué à caster en France. En plus, je ne voulais pas une star, qui aurait immédiatement introduit un lien avec le public, et donc une forme de complicité qui aurait plus facilement permis d’anticiper les mouvements du personnage. Nicolas, aujourd’hui, peu de gens le connaissent et il avait le charisme nécessaire : en dehors d’être beau, il a un côté animal et une violence rentrée que l’on ressent immédiatement.

Pascal Elbé est une fois de plus parfait…

GPB : Pascal, on a vraiment écrit pour lui. Ce que je sentais bien chez lui, c’était, d’une part, son physique contrasté avec les autres membres de la famille, mais aussi son talent comique : il fallait que le personnage d’André-Pierre apporte une vraie bouffée d’air frais au film. Pascal, qui est un acteur très fin, permettait aussi au personnage de sortir du cliché du loser dans la mesure où il reste assez séduisant : il a beau s’en prendre plein la tête toute la journée, il garde un certain charisme. C’est un équilibre que je trouvais intéressant chez lui, et c’est d’ailleurs le seul personnage auquel le spectateur peut s’identifier.

Les femmes en revanche sont un peu plus spectatrices des événements …

LP : Oui et non, dans la mesure où ce sont pour les femmes et par les femmes que tout passe ! Elles ne sont pas que décoratives, c’est par elles que le mal arrive. Il y a d’ailleurs plus de testostérone dans le personnage de Laura que dans celui de Pascal. Boris, de son côté, se contente de s’acquitter de son office auprès de la séductrice puis de la mal mariée, le tout sous le regard consentant des parents. On sent bien que dans ce milieu bourgeois, les choses les plus sordides peuvent avoir lieu : du moment que ça ne dépasse pas et que cela ne ressort pas à table, on s’en accommode.

À ce titre, comment s’est fait le choix des comédiennes ?

LP : Laura était une sorte d’évidence, avec son visage félin, animal, et ses yeux bleu piscine. C’est l’une des personnalités les plus intéressantes du cinéma français aujourd’hui.

GPB : Elle est effectivement arrivée très vite. Quant à Anne, c’est le distributeur qui nous a soufflé son nom et elle a été parfaite : il fallait que tout soit cohérent, on construisait une famille, et si l’on regarde Anne et Jacques côte à côte, cela fonctionne incroyablement. Anne était aussi intéressante par rapport à l’âge du personnage : il n’y en a pas tant que ça, des actrices qui puissent à la fois être très belles et dégager une certaine maturité. Et puis je tenais aux yeux bleus ! Je voulais que les trois enfants soient beaux au point d’en être inquiétants, comme si les parents les avaient commandés sur Internet. De même que je tenais à ce que la mère soit une étrangère parce que je voulais un univers cosmopolite, c’est un classique de ce milieu. C’est aussi la seule avec André-Pierre qui soit à peu près normale dans cette famille à sang-froid, cette famille de vampires.

Lolita, c’est un luxe rare pour un scénariste d’assister au tournage : quelle place teniez-vous sur le plateau ?

LP : J’aime vraiment le cinéma et je voulais aller plus loin que l’écriture, j’avais envie de voir ce que cela donnait en action. Gilles a pris le risque de me laisser faire le making-of, alors que je n’avais jamais tenu une caméra.

GPB : Le making-of était un peu un prétexte : comme nous sommes très amis par ailleurs et que j’avais loué une maison pour le tournage, c’était un joli moment de vie à partager.

Forte de cet oeil neuf sur un tournage, qu’en avez-vous retiré ?

LP : C’est une mécanique bien huilée, très hiérarchisée, dans laquelle chacun reste à sa place. J’avais une position d’électron libre et réaliser un film dans le film faisait de moi un peu une intruse.

GPB : Le tournage s’est vraiment passé de façon très douce, il n’y a pas d’anecdote particulière…

LP : …sauf Laura qui était malade au moment où on a tourné la scène de baignade de nuit. C’est l’une des scènes que je trouve les plus belles du film.

GPB : Cela a été une scène très difficile à tourner, qui s’est transformée en moment de grâce. Filmer de nuit en pleine mer, c’est rare…

LP : …quand on est arrivé à huit heures du soir sur cette pointe, tout le monde était fatigué, il faisait froid, Laura était malade…

GPB : …tout ce qu’on a tourné cette nuit-là est dans le film. Au cinéma, les éléments extérieurs amènent souvent autre chose et si l’on sait les dompter, ils rendent la scène meilleure. Car si j’avais pu tourner tous les plans que je souhaitais, la scène aurait été plus démonstrative et moins intéressante, alors qu’elle est finalement très pure, il y a quatre ou cinq plans, c’est tout… C’est marrant : dans GOMEZ ET TAVARES, il y avait 3500 plans montés et dans UV seulement 600 ! Mais je travaille depuis longtemps avec mon monteur Bertrand Collard, et il venait de finir LES FRAGMENTS D’ANTONIN, un film très intéressant dont le montage l’a rôdé au rythme particulier de UV, imprégné d’une langueur qui ne doit pas sombrer pour autant dans l’ennui.

 

 

 

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(BANDE ANNONCE 2007)



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