NOS RETROUVAILLES (BANDE ANNONCE 2006) avec Jacques GAMBLIN - Nicolas GIRAUD
NOS RETROUVAILLES
de David OETHOFFEN
avec Jacques GAMBLIN - Nicolas GIRAUD - Gérald LAROCHE - Jacques SPIESSER - Marie DENARNAUD
L'HISTOIRE : Marco, vingt ans, voit son père, Gabriel, revenir dans sa vie après être resté longtemps sans nouvelles. Ce retour a beau éveiller chez lui de la rancoeur, c'est malgré tout une bouffée d'air dans son quotidien étriqué. Gabriel, c'est le monde de la nuit, c'est la fête, c'est de la vie. Gabriel propose à son fils de monter un bar de nuit avec lui. Marco suit. Ils vont rattraper le temps perdu. Reste à trouver l'argent.
ENTRETIEN AVEC David OETHOFFEN
Comment est né le projet de Nos retrouvailles ?
La première impulsion, cétait les personnages ... Un père immature, un peu frimeur, totalement à la dérive, et de lautre côté, son jeune fils, introverti, endurci, lucide, mais totalement en demande. Le récit sest ensuite construit autour deux, de leur relation, en la laissant toujours au premier plan. Et cest devenu une histoire volontairement simple, linéaire, sans coups de théâtre, focalisé sur les sentiments, sur les affects.
Marco et son père, Gabriel, décrivent des parcours presque opposés...
Oui, au départ, Marco est totalement sous la coupe de ce père quil voit comme flamboyant. Mais rapidement son père se révèle faible, fragile, abîmé par la vie. Touchant aussi. Sincère et intéressé à la fois. Il aime son fils, et il en a besoin. Marco comprend et voit tout ça... Et plus il prend conscience de la faiblesse de son père, plus il veut laider, le sauver... Plus il devient fort. Ce qui les réunit, cest quils sont aussi perdus lun que lautre. Ce sont des personnages qui ont désespérément envie de vivre, désespérément envie daimer, dêtre aimés. Envie dexister. Mais Gabriel est un rêveur coupé de la réalité qui narrive pas à sancrer dans le réel. Tandis que Marco na dautre choix que dêtre pragmatique, comme beaucoup de jeunes de sa génération, peut-être parce quil est sans illusions sur son avenir.
Il y a une dimension sociale dans le film.
Oui. Disons que le film a une dimension sociale, comme lont tous les films qui choisissent de regarder la société par là où elle va mal, quil sagisse des documentaires de Raymond Depardon jusquau film noir américain. Un film, cest un regard. Et pour peu quil sintéresse au monde qui lentoure, cest politique. Montrer une banlieue désenchantée, une banlieue sans révolte, ni colère, ce nest pas arbitraire.
Il ressort aussi du film un profond sentiment de solitude.
Le film parle de gens seuls, isolés. Il ny a pas desprit de groupe, il ny a pas de sentiment dappartenance à une classe, à un lieu, à une entreprise. Ceux qui travaillent ont des boulots précaires. Ceux qui tombent dans la délinquance ne font pas partie du «milieu» : ce sont des électrons libres, seuls dans leurs projets. Pour autant, bien que seuls, ce ne sont pas des pions. Jai essayé de mattacher à lhumanité de chacun des personnages, y compris aux rôles secondaires, comme celui du veilleur de nuit, joué par Jacques Spiesser, ou celui de Krosiki, interprété par Gérald Laroche.
Il y a une approche singulière de la violence dans le film, quand elle survient...
Lerrance de Marco et Gabriel débouche effectivement sur une situation très brutale... La violence y est peu glorieuse, lâche, sordide. Jai voulu la filmer comme ce quelle est vraiment, ne pas lesquiver, en cherchant la distance juste. Pour moi, cette distance, cest le regard de Marco. On en voit ni plus, ni moins, que ce que peut supporter son regard. Un regard qui découvre les conséquences dune situation dont il est complice, un regard qui ne peut pas nier cette violence mais qui ne sy complaît pas.
On a peu de repère de temps et despace ...
Jai voulu ça... Il y a effectivement toujours une certaine incertitude sur le lieu, sur lheure, tout comme il y en a sur le passé des personnages... ça insuffle un certain inconfort pour le spectateur, une inquiétude... Les personnages sont sans cesse en mouvement dans la ville. Les décors sont principalement des lieux impersonnels, qui se ressemblent tous, bars, cafés, périphériques. Filmés en évitant les plans densemble. On ne sait jamais très bien où on est. Ce que je voulais, cest quon soit perdus avec eux dans la ville.
En vous approchant au plus près des visages, vous filmez les moindres détails du grain de la peau ...
Cest parfois impitoyable pour les visages, surtout avec des lumières rasantes et réalistes, on voit les cernes, les rides, les imperfections, mais on voit aussi et surtout les moindres tremblements de la peau. Cest je pense au service du jeu, de lexpressivité. Ça permet aussi de filmer la fatigue, le stress. Et je remercie Jacques Gamblin et Nicolas Giraud, davoir accepté sans aucune réserve, dêtre parfois «abîmés» par la caméra.
Le montage, très serré, accentue également le sentiment durgence et de stress.
Je dirais quil est haché ... On entre et on sort brutalement des scènes, ça crée je pense ce sentiment durgence. On reste aux aguets. On peut passer dune scène de boîte de nuit, techno à tue-tête, où la caméra serre un visage de très près, à un plan très large dune cour en plein jour extrêmement silencieuse. Il ny a pas de volonté de fluidité des enchaînements. Ça crée un certain déséquilibre, un certain chaos dans un récit que jai voulu, comme je le disais, simple.
Il y a beaucoup de scènes de nuit. Cela a-t-il été une difficulté pour le filmage ?
Jai travaillé avec le chef-opérateur Lubomir Bakchev qui a également éclairé LEsquive dAbdellatif Kechiche (et avec qui javais déjà travaillé sur mes courts). Le film se déroulant effectivement quasi exclusivement de nuit, nous avons fait des tests en faible lumière avec une caméra HD, ce qui sest révélé extrêmement intéressant à limage. Cela nous a permis de profiter des éclairages urbains, complétés pour les nombreuses scènes de voiture ou les pénombres, par des dispositifs extrêmement légers. Mais au-delà de la technique, cela a surtout été une chance pour le jeu. On a pu multiplier les prises, essayer, chercher, rectifier. Dune façon plus générale, jaime le travail de Lubomir Bakchev parce quil sefforce toujours de donner le moins de contraintes possibles aux comédiens. Ils nont pas ou peu de marques ou dindications uniquement liées à la lumière.
Comment avez-vous choisi les comédiens ?Javais déjà dirigé Nicolas Giraud dans mon court métrage Sous le bleu, où il campait un mécano. Cest un jeune comédien très doué qui na pas suivi de cours de théâtre. Il est monté à Paris pour tenter sa chance après avoir travaillé à la dure. Et je peux dire, sans avoir peur de me tromper, quil a eu raison. Quant à Jacques Gamblin, je lavais admiré dans un spectacle tiré dun de ses romans, Entre courir et voler il ny a quun pas, papa, autour de la relation père-fils. En assistant à ce spectacle très habité, je me suis dit quil serait parfait dans le registre que jimaginais pour Nos retrouvailles. Je voulais quelquun de séduisant pour jouer Gabriel, qui ait un capital de sympathie auprès du spectateur. Jacques était le choix idéal.
ENTRETIEN AVEC JACQUES GAMBLIN
Quest ce qui vous a intéressé chez votre personnage, Gabriel ?
Jai été attiré par sa complexité. Sa lâcheté et sa faiblesse nen font pas à priori un personnage franchement sympathique, mais il devient peu à peu attachant à vouloir rattraper tout ce temps perdu par sa faute et à assumer enfin son devoir de père. Il a une morale qui se déplace, il fait mine dêtre sûr de lui, il a du coeur mais pas les mots, il a les actes mais pas les bons. Cest un type instable, un affabulateur sans doute qui, à force de se mentir, fabrique de la vérité. Il est cassé, faiseur mais sincère, contradictoire.
Javais limpression davoir déjà croisé ce personnage dans la vie, qui se cherche une personnalité par imitation, qui vit en dehors de ses moyens. Et puis à lécriture, ce personnage me faisait vraiment marrer par cette façon dêtre à côté de lui même. Jai toujours besoin de ça pour interpréter un rôle, quil me fasse au moins sourire. Quau fond de moi jai un peu envie de me foutre de lui. Une façon de le mettre à distance pour mieux;lui rentrer dedans;.
Ses rapports avec son fils sont heurtés et parfois violents...
Normal, ils se sont perdus de vue. Marco a été obligé de grandir plus vite que prévu. Dans ces cas-là, la notion de temps gagné ou perdu est perturbée. Il y a de la méfiance dans lair. Du silence. Des demandes dexplication non formulées. De la violence rentrée, du regret, de la culpabilité de part et dautre. Du flou, de la merde quoi ! Le père et le fils se comportent parfois comme deux potes puis à dautres moments on ne sait plus qui est le père de qui.
Comment êtes-vous entré dans la peau du personnage ?
Je ne sais jamais très bien comment je mapproprie un personnage. Je le vois de loin, je le rêve, je limagine en mouvement, je le vois bouger dans ma tête, puis dans les jambes, mais en fait cest souvent linverse, il saccroche à moi et puis un jour la costumière ma apporté une veste en cuir et cétait SA veste, cétait sûr. Et puis cétait les bonnes chaussures pour lui donner un peu de déglingue, un peu de cette nonchalance et une petite chaînette autour du cou, et puis tout ça cétait trois fois rien et cétait beaucoup et cétait juste... enfin je crois !... Il se la joue un peu viril, un peu frime avec son 4x4 doccasion. Rien ne lui ressemble vraiment. Cest un type banal qui voudrait ne pas lêtre, qui fait tout pour ne pas lêtre et qui lest dautant plus. Cest raté quoi !... il y avait un comportement à construire. A un moment je me suis dit : je vais le jouer en pensant que tout ce quil dit est faux.
Gabriel entraîne son fils dans un casse en cherchant à lui montrer ce quil sait faire de mieux ?
Gabriel, nest pas un casseur, mais il vit dans le monde de la nuit, avec des gens pas très nets et ça le "pose" de montrer ça à son fils. Ca lui donne de limportance. Cest du strass de looser. Mais cest vrai que lorsquil laisse son complice rudoyer son fils Marco, ça prend les allures dun rite de passage. Comme sil initiait son fils à sa vie dhomme... mais trop tard !
David Oelhoffen ne porte aucun regard moralisateur sur les personnages.
Ca mavait plu déjà dans le script. Il ne juge pas les personnages : le film les accompagne à un moment de leur vie, comme à une croisée des chemins, puis les laisse repartir chacun de leur côté. Quant à Gabriel, je ne suis pas sûr que lépreuve quil traverse tout au long du film le fasse grandir. Il est paumé au début, il est paumé à la fin, mais il a rencontré son fils même si la façon est " un peu " particulière...
Comment David Oelhoffen dirige t-il ses acteurs ?
Nous avons beaucoup discuté de mon personnage avant le tournage. Sur le plateau, David ne parle pas énormément, mais il ne vous lâche pas tant quil na pas obtenu ce quil veut ! Javais parfois envie de donner un peu de légèreté au personnage que je trouvais très noir, mais David ny tenait pas. Il a sa propre conception des personnages, ses propres références, et il sait exactement dans quelle direction il souhaite nous emmener.
Quavez-vous pensé du jeune Nicolas Giraud qui interprète Marco ?
Il a vraiment réussi à incarner un personnage qui aurait pu être très linéaire tout au long du film, ce qui était loin dêtre évident. Marco est le fil conducteur de lhistoire : cest lui qui emmène le spectateur au coeur du récit et son regard est celui de la caméra ou plutôt du réalisateur. Cest un rôle très difficile, qui exige une grande humilité.
Ce type de rôle cest gratifiant à larrivée mais sur le parcourt les doutes sont nombreux. Etre là. Simplement être là, cest quand même ce quil y a de plus difficile à faire non ?...
(BANDE ANNONCE 2006)
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