LA DISPARUE DE DEAUVILLE de et avec Sophie MARCEAU avec Christophe LAMBERT - Simon ABKARIAN - Robert HOSSEIN
LA DISPARUE DE DEAUVILLE
de Sophie MARCEAU (L'AUBE A L'ENVERS - PARLEZ MOI D'AMOUR)
avec Sophie MARCEAU - Christophe LAMBERT - Nicolas BRIANCON - Simon ABKARIAN - Robert HOSSEIN - Marie-Christine BARRAULT - Judith MAGRE - Marilou BERRY - Laure DUTHILLEUL - Firmine RICHARD
Victoria, une actrice célèbre en son temps, à l'aura et au charme saisissants, est morte il y a trente ans dans des circonstances troublantes. Elle réapparaît mystérieusement dans la vie d'un flic solitaire, Jacques, enquêtant sur une disparition, au coeur d'un palace de Normandie...
Que veut cette femme comme surgie d'une autre époque ? Pourquoi a-t-elle choisi Jacques ? Quels secrets se cachent derrière le luxe de ce palace ?
NOTES DE PRODUCTION
Scénariste, réalisatrice et comédienne, Sophie Marceau raconte : " Un matin, pendant le tournage du film de Diane Kurys, JE RESTE, nous étions avec Charles Berling et Vincent Perez au maquillage, dans lhôtel Normandy, à Deauville et c'est là que j'ai eu lidée d'une intrigue qui aurait pour cadre un palace. Je m'intéresse beaucoup aux histoires humaines, aux destins, et je suis partie sur une histoire de famille. Ce qui m'a attirée, c'est l'envie de raconter la vie des gens, multiple, unique et à la fois universelle. L'hôtel permettait de réunir des gens qui ne se croiseraient jamais ailleurs, le long de couloirs mystérieux, avec autant de vies que de portes. Imaginer ce qui pouvait se dérouler derrière chacune était passionnant. "
Oury Milshtein, producteur du film, raconte : " Je connais Sophie depuis quelques années, j''étais directeur de production sur son premier film. Nous étions évidemment intéressés lorsqu'elle est venue nous présenter son projet. Quand elle nous en a parlé plus précisément, c'est devenu encore plus prenant. "
Sophie Marceau explique : " Trois personnes arrivées à un tournant de leur vie doivent régler des comptes. Il est question de leurs parents, de l'amour qu'ils ont reçu ou dont ils ont manqué, des mensonges et des vérités avec lesquels ils ont vécu depuis si longtemps. Sans se connaître, ces trois personnages se retrouvent à raconter la même histoire, à sentrecroiser. C'est une quête au rythme dun thriller. Je ne désirais pas faire un film psychologique où ça parle tout le temps, j'avais envie d'action. Jaime que les choses aillent vite, que ça bouge, et le thriller permet daborder tous les sujets en y ajoutant le plaisir cinématographique, quelque chose qui soit jouissif à filmer et proposer au public. Le film est aussi une course-poursuite, un chassé-croisé entre ces gens qui se courent après. Tous cherchent quelque chose, ils n'imaginaient pas ce qu'ils vont trouver... "
Ariane Guez, productrice, commente : " Dès le départ, il était clair que le climat serait différent de ce que l'on peut voir d'habitude. Sophie associait des ingrédients que l'on voit rarement ensemble. On percevait la dimension psychologique, mais étroitement liée à un rythme de film d'action avec des rebondissements qui enflamment, comme ceux que l'on trouve dans les feuilletons de Dumas, le tout avec un ton vif très actuel. "
A LA CROISEE DES VIES ET DES GENRES
Sophie Marceau se souvient : " L'intrigue est partie de choses assez loin de moi, mais au bout du compte, je me suis aperçue que quand on raconte une histoire qui n'est pas la sienne, l'inconscient se lâche beaucoup plus et que l'on aborde finalement des choses peut-être encore plus intimes. Quand on parle de soi, on fait toujours des demi-mensonges. "
Elle ajoute : " J'étais surtout sur les personnages du fils héritier et de la fille, mais il en fallait un troisième, un point de vue extérieur pour donner du recul et être subjectif, ou objectif d'ailleurs. C'était le personnage du flic, qui s'est imposé comme le protagoniste principal du film. C'est un peu l'innocent qui vient mettre son nez où il ne fallait pas et qui va révéler les choses, et les gens à eux-mêmes. "
Oury Milshtein précise : " Le script de Sophie était énorme, très dense, très long. Nous lui avons présenté Gianguido Spinelli. Les références de Sophie étaient assez hitchcockiennes et ce qu'écrit Gianguido, toujours très à tiroirs, est assez idéal pour un thriller. Tout en travaillant sur d'autres projets, ils ont écrit ensemble pendant trois ans. Jacques Deschamps, que j'avais rencontré sur SANS TOIT NI LOI, a beaucoup dhumour. Il a apporté un recul, une distance vis-à-vis du projet de Sophie. Du coup, on est arrivés à un équilibre entre quelque chose de grave et des moments plus légers. De façon anonyme, nous avons ensuite donné ce projet à cinq ou six lecteurs dont nous souhaitions le regard extérieur. L'une des lectrices, Rania Meziani, en avait tiré une analyse très fine et elle est venue nous rejoindre. "
Sophie Marceau reprend : " Mes auteurs et moi étions complémentaires, eux étaient plus dans la structure. J'ai eu besoin de Gianguido, Jacques et Rania qui est venue ensuite, parce qu'ils avaient cette faculté que je n'ai pas d'analyser et de construire. Ils ont complètement respecté mon univers et m'ont aidée à le concrétiser sur le papier. Les rapports entre les gens, leur histoire et leur psychologie, sont restés, mais nous les avons souvent bousculés pour les besoins du thriller. C'est un film qui se passe sur quatre jours, pratiquement 24 h sur 24, ça va vite. En quatre jours, ce sont quarante ans de vie qui refont surface. C'est une conjonction de destins. "
Ariane Guez commente : " Ses personnages étaient remarquablement sentis. Ils existaient, sans cliché, avec leurs contradictions, comme des gens réels dont on aurait raconté l'incroyable histoire vraie. Aucun deux nétait une caricature. Les monstres avaient une âme et les condamnés avaient une chance. "
Sophie Marceau confie : " Pour moi, la dualité est une composante de la nature humaine. Tout le monde existe entre deux, comme une oscillation entre les extrêmes, et c'est ce mouvement-là qui est la vie. Chaque individu porte en lui le bien, le mal, le noir, le blanc, les contraires C'est un film de contrastes, qui balance entre nos limites. Il est aussi question déquilibre, parce que dans le balancement, c'est une notion que lon retrouve aussi. On ne peut réduire personne à une seule chose. J'aime explorer cela. "
CEUX QUI ONT RENDEZ-VOUS AVEC UN SECRET
La scénariste et réalisatrice confie : " Lors de lécriture, je n'ai imaginé aucun acteur dans un rôle. Je voulais vraiment écrire des personnages. Il était important quils existent par eux-mêmes avant d'être incarnés. Une fois qu'ils sont écrits, on essaie de provoquer la rencontre entre l'acteur et le rôle, et c'est encore une fois une question dinstinct. Si l'acteur que vous sollicitez s'approprie le rôle, sil vous en parle de façon convaincante, cela signifie quil s'est projeté dans le personnage, et c'est une grande part du travail qui est accomplie. "
Sophie Marceau se souvient : " Pour le rôle principal, Christophe Lambert est apparu comme une évidence. Je me trouvais avec mes deux producteurs dans le bureau de Dominique Besnehard. Sa photo était sur une étagère et en la voyant, on a tous eu le déclic. Sans un mot, on s'est juste regardés : c'était lui, aussi simplement que ça. On lui a envoyé le scénario et il a répondu très vite et très favorablement, avec de vrais arguments. Il avait une façon de parler de l'histoire qui lui était presque personnelle. Il s'est complètement approprié le rôle. Il est devenu Jacques à part entière. J'avais vu peu de choses de lui, c'est quelqu'un de très particulier mais je ne le connaissais pas. Il est venu au personnage avec son histoire, toute sa vie, son expérience. Quand il incarne, tout devient fragile, vivant, complexe, passionnant parce que l'on découvre la personne en même temps que le personnage se construit. "
La réalisatrice confie : " Nicolas Briançon a été la cerise sur le gâteau. C'est Oury qui a eu l'idée de Nicolas. Il m'a montré le film de Cédric Kahn, L'AVION, dans lequel il jouait pourtant un personnage complètement opposé à ce que nous cherchions, et j'ai senti son potentiel. Il a tout de suite été ému par le personnage, ce qui n'était pas évident parce que c'est un être ambigu, très doux, délicat, et les acteurs ont souvent peur d'abandonner le registre viril Nicolas a eu envie d'entrer dans cette histoire à travers Camille. Nous avions déjà commencé le tournage depuis deux jours quand il est arrivé, et il est formidable ! "
Oury Milshtein ajoute : " Nicolas vient d'un univers de films d'auteur qui mest assez proche. Au fur et à mesure que nous lui parlions de ce personnage assez efféminé, très différent de ceux qu'il avait déjà incarnés, il s'en imprégnait littéralement. Il était Camille. C'était un choix idéal. "
Sophie Marceau se souvient : " J'avais remarqué Simon Abkarian au théâtre, il y a longtemps. Il m'avait profondément émue. C'est un acteur magnifique et j'avais envie de travailler avec lui. Lorsque je lui ai proposé le rôle de Pierre, j'ai rencontré quelqu'un que j'avais l'impression de connaître, fidèle à ce que j'avais imaginé de lui. Les acteurs sont des enfants, quand on leur tend un rôle, un jouet, ils en ont envie, s'enthousiasment, et s'y glissent avec bonheur. C'est ainsi que cela s'est passé avec Simon et c'était fantastique. "
La réalisatrice explique : " Le personnage d'Antoine s'est fait désirer. C'était lacteur le plus difficile à trouver. Antoine est un personnage difficile, intense, violent et pourtant beau. Il est dans le contraste le plus extrême. Je ne trouvais tout cela chez aucun acteur. C'est Valérie Trajanovski, la directrice de casting, qui a eu l'idée de Robert Hossein. Je suis allée le voir. Face à lui, je n'avais plus aucun doute, il avait la puissance et l'humanité du rôle. C'était lui. Il avait même un costume identique à celui que j'avais décrit dans le scénario, c'était un signe ! "
Sophie Marceau confie : " Marie-Christine Barrault est la première à qui j'ai pensé pour le rôle de Mélanie. Mais souvent, quand les choses paraissent trop évidentes, on se méfie et on essaie de prendre d'autres chemins J'ai donc envisagé d'autres personnes, mais je restais toujours avec son image à l'esprit. J'ai décidé d'aller la rencontrer et tout s'est passé de façon très spontanée. Elle a répondu très favorablement au film, et elle est remarquablement convaincante dans le personnage. Son rôle n'était pourtant pas évident. Elle devait, tout en étant privée d'une partie de sa gestuelle, faire ressentir le conflit et les sentiments extrêmes qui la rongent. Pour cela, il faut une grande comédienne. "
La réalisatrice poursuit : " Judith Magre ma complètement séduite. Je la connaissais du théâtre. La duchesse est un personnage qui amène beaucoup de drôlerie et de tendresse. On ignore si elle existe vraiment, c'est un personnage un peu évanescent, peut-être un fantôme. Lorsque j'ai rencontré Judith, j'ai trouvé chez elle toutes les qualités dont j'avais rêvé pour le rôle : le charme, l'humanité, une jeunesse de coeur et un côté pétillant. C'est une immense dame de théâtre qui a fait beaucoup de choses dans sa vie. Elle a cet esprit vif, elle apparaît, elle disparaît, hop ! Elle est légère, c'est un peu la fée Clochette de cette histoire ! "
Sophie Marceau observe : " Dans tous les films où j'ai vu Marilou Berry, elle impose quelque chose de très présent, de très fort. J'ai aussi eu cette impression en la rencontrant la première fois. Si elle décide que vous ne partez pas du rendez-vous, vous restez ! Elle a cette énergie. Son personnage est en tandem avec celui de Simon, qui est un type grand et fort. A côté de lui, il fallait quelqu'un qui existe, parce que ce sont deux flics, qui forment une équipe. Ils sont tout le temps ensemble. Il fallait deux personnalités qui font la paire mais ne se dévorent pas l'une l'autre. Ils devaient en plus imposer leur personnage en peu de temps. Marilou était capable de tout cela à la fois. "
UNE SEULE FEMME POUR TANT DE VISAGES
Sophie Marceau explique : " Dans mon 1er film, PARLEZ-MOI D'AMOUR, je n'avais pas joué, et pour ce film-là, au départ, je ne souhaitais pas être devant la caméra non plus. Tout le monde me disait qu'il était dommage que je n'y joue pas. Il y avait bien un rôle, mais qui n'était pas très développé. Un jour, inévitablement, ce personnage s'est mis à exister vraiment, il s'est mis à raconter quelque chose. Jusque-là, j'avais occulté son aspect mystérieux et il a bien fallu s'y atteler parce que cela manquait dans le scénario. Je n'ai pas pu résumer ce personnage féminin en un seul, il est donc devenu deux, un personnage dans la dualité, la double identité. "
L'actrice confie : " Il y a en fait presque trois personnages : la Victoria de l'époque, la Victoria vivante, et Lucie. Le cheminement vers le rôle sest fait à travers une maturation qui a duré pendant toute la phase décriture. J'ai du mal à expliquer le métier d'acteur parce quil est d'avantage dans l'émotion, le non-dit, le ressenti. J'admire ceux qui travaillent un personnage, qui sont capables de se mettre une bosse dans le dos et d'accomplir une performance. Je ne suis pas certaine de faire partie de cette catégorie d'acteurs. Moi, je suis le personnage ou je ne le suis pas. Cela peut paraître un peu limitatif, mais mes personnages, je les prends comme ça, comme un fruit sur un arbre, et jai aussi envie de faire confiance au metteur en scène, qu'il me guide. En l'occurrence, cela me manquait un peu parfois. "
Ariane Guez commente : " Tout le monde salue le talent avec lequel Sophie cumulait les responsabilités sur ce film, mais sa performance d'actrice est à elle seule exceptionnelle. En fait, elle joue plus que Lucie et Victoria. Elle joue Lucie qui joue Victoria. Dans toutes ses scènes, sous le fascinant masque de ce fantôme d'actrice, elle parvenait à faire sentir la fragilité et les craintes de Lucie. C'était impressionnant. Elle avait une maîtrise intuitive absolue des deux rôles. "
Sophie Marceau reprend : " Victoria et Lucie, j'ai l'impression de les connaître un peu. J'ai écrit ces personnages, ils ne sont pas complètement étrangers à ce que je suis. Même si ce n'est pas du tout un film sur le cinéma, Victoria est une actrice et Lucie est obligée de jouer quelqu'un d'autre Ce sont des femmes très proches de ce que je suis. Je m'en sens plus proche dans la situation que dans le caractère. L'acteur a la responsabilité d'incarner, pas de raconter l'histoire. Si on demande à un acteur de raconter lhistoire, c'est qu'il y a des manques dans le scénario ou dans la mise en scène. "
LE TOURNAGE
Sophie Marceau explique : " Jouer et mettre en scène sont des choses contradictoires mais complémentaires. Je dis souvent que le metteur en scène devrait être un peu acteur, il comprendrait pas mal de choses ! Et les acteurs devraient imaginer ce que c'est dêtre metteur en scène C'est un aller-retour assez salutaire pour perfectionner chacune des deux fonctions. "
" Je prends beaucoup de plaisir à réaliser. J'ai le souci du bien faire. Mes parents m'ont appris cela. Il y a une phrase de Matisse que j'adore : il disait " Ce que j'avais à faire, je l'ai fait de mon mieux ". Je trouve cela magnifique. Pour moi, c'est tout ce qui compte. Au moment où je fais les choses, j'essaie vraiment de les faire au mieux, d'être totalement concentrée dessus. "
Oury Milshtein commente : " Etre à la fois actrice et réalisatrice est bien entendu une tâche exceptionnellement lourde. Mais Sophie est solide. A la mise en scène, elle sait faire ses choix sans se perdre dans de fausses questions. Elle ne s'éloigne jamais de l'essentiel. Le film aborde la dualité, la capacité à changer de personnalité, et le fait que ce soit également la situation de Sophie sur ce projet est un plus. Sur un film de cette ampleur, la difficulté est de ne jamais perdre le fil, de garder le propos initial car cest un film long, avec soixante jours de tournage, beaucoup d'acteurs, de décors et de cascades. "
Oury Milshtein explique : " Je fabrique des films depuis vingt-cinq ans. C'est ce que j'aime. Un peu comme au jeu d'échecs, j'aime que certaines choses deviennent réalité parce quon en a rêvé, quon y a réfléchi pour qu'elles prennent forme et vie. Mais aller chercher l'argent n'est pas drôle. Là, nous avons eu de la chance parce qu'il sagit de Sophie. Quand on appelle de sa part, on vous répond et cest déjà pas mal. Certains producteurs ont plus de mal pour faire leur premier film. A nous de tenir la route ! "
Il poursuit : " Je suis à l'écoute, présent pour aider Sophie si elle en a besoin. Elle a parfois des doutes ou simplement besoin de parler. C'est particulièrement vrai pendant la préparation. Après, l'opérateur, la scripte, les comédiens, prennent leur place et cela devient de plus en plus fusionnel. Alors je m"efface. Je suis tous les jours sur le tournage, pour tous les plans car cest là que les choses se fabriquent et se gravent. En préparation, à lécriture, on peut changer une scène ou un décor. Au tournage, ce qui est là est là et il faudra faire avec. Même si je n'ai pas grand-chose à faire sur le plateau, je préfère être là si qui que ce soit a besoin d'un regard ou d'une parole. Ensuite, cest encore une autre forme de fabrication. On a passé trois ans à écrire, quatre mois à préparer, six mois pour la postproduction, et le tournage en lui-même ne dure que trois mois ! C'est court, cest dense autant y mettre toute son énergie. Je ne suis pas d'accord avec les producteurs qui disent qu'ils nont rien à faire sur le tournage. Si c'était vrai, je ne produirais pas de film. Par contre, je peux comprendre que la présence du producteur angoisse le metteur en scène. Pour moi, être là c'est accompagner le film, être complice avec le metteur en scène. "
Ariane Guez commente : " Voir Sophie travailler est étonnant. Elle est calme, elle s'investit dans chaque point avec une implication maximale. Elle est remarquablement claire, l'équipe est très soudée et elle a su établir un lien quasi affectif avec chacun. Sophie suscite cela. On a envie de laider, elle motive énormément les gens. "
La réalisatrice reprend : " Tout m'intéresse, le jeu des comédiens, le cadre, tout, mais il y a des choses que je ne sais pas faire. Ce sont les détails qui permettent d'exprimer une pensée. Ce que chaque spectateur va saisir dans une scène le cri dune mouette, ou bien un acteur qui pleure doit aller dans le même sens. Pour moi, ce tout, cet objet rond qu'est le film, est fait d'une multitude déléments dont aucun nest anodin. Même ce que vous oubliez vous révèle. Tout signifie quelque chose. Au cinéma, vous avez tellement de détails à aborder pour construire l'ensemble que rien ne doit être laissé au hasard. Jai envie que tout concoure à raconter ce que jai imaginé, toujours dans une volonté de clarifier les choses. Il est déjà tellement difficile de sexprimer qu'il faut utiliser tout ce qu'on a sous la main pour tenter dy parvenir. "
Sophie Marceau : " Nous avons tourné onze semaines, c'était un tournage long et dense. Je souhaitais un film assez découpé, ce qui multipliait les plans. J'étais heureuse d'aller sur le plateau le matin, j'étais gourmande de toutes les scènes."
Oury Milshtein commente : " Chaque élément du film porte la marque de Sophie, de son univers. Elle a teinté chaque aspect, des décors au travail avec les acteurs en passant par les choix de cadre, le rythme de montage ou le mixage. C'était déjà le cas pour son premier film mais cette fois, le rythme est plus vif, avec plus d'humour, des poursuites, de l'action "
Sophie Marceau confie : " Actrice ou réalisatrice, les deux font partie de ma vie. Je trouve mon compte dans les deux je dis deux, mais pour moi c'est une même chose. Le métier de réalisateur est venu de celui d'acteur, parce que quelque part sur les plateaux, j'ai toujours été très observatrice de ce qui se passait, proche de la mise en scène."
DEUX MONDES POUR UN UNIVERS
Sophie Marceau raconte : " L'histoire est née au Normandy, et bien que nous ayons aussi vu d'autres hôtels, elle y est revenue ! Pourtant, sur ce seul lieu, il manquait le mouvement. Ce palace a vraiment trouvé sa raison d'être le jour où Le Havre est devenu l'autre décor de l'histoire. Il fallait faire la balance, le pendant entre Camille et Jacques, entre le Normandy et Le Havre. D'un côté il y a Deauville, le luxe, le velours rouge, les ambiances confinées, enfermées, les gens dans le silence, où les choses ne se disent pas, et de l'autre on trouve Le Havre, la ville ouvrière, traversée par les vents, où tout est vivant, vrai. Entre les deux, le pont de Normandie est comme un trait d'union. Le Normandy existe parce qu'il y a Le Havre et vice-versa. Ce sont deux univers assez opposés. Le flic vient d'un monde plus dur, mais le Havre est aussi une ville où les gens travaillent ensemble, où on trouve quelque chose de très communautaire, de très chaleureux. C'est une ville sublime de beauté, très cinématographique. Face aux containers et aux docks, les planches et le glamour de Deauville Cela correspondait tout à fait au film. "
La réalisatrice confie : " J'ai envie que le spectateur samuse, que l'action le surprenne et que les sentiments lui parlent. L'histoire ramène à l'intime, mais il y a plusieurs lectures possibles de ce film. En invitant les gens dans la salle, je souhaite que l'on puisse se dire qu'on est tous ensemble, qu'on va partager un moment, qu'il y sera aussi question de nous. On va se faire des confidences, on va s'amuser. Si on écrit, si on fait ce métier, quoi que l'on fasse dans la vie, c'est souvent parce que l'on a un besoin vital d'exprimer, de partager. "
JACQUES par Christophe Lambert
Ce qui m'a d'abord frappé en découvrant le scénario, c'est la qualité d'écriture et la construction de l'intrigue. On s'ent que ce n'est pas le genre de script écrit en six mois. L'histoire est atypique, le mélange des genres passionnant, on se trouve embarqué dans un vrai thriller avec une dimension plus profonde, beaucoup plus intime. Il y avait quelque chose dhitchcockien. On tourne les pages en se demandant constamment ce qui va se passer, comment le personnage du flic se sortira de cette situation, comment il arrivera à prouver q'uil nest pas fou.
Je ne connaissais pas Sophie Marceau. Ni elle ni moi ne donnons dans les mondanités, il y avait peu de chances que l'on se croise avant d'avoir un projet commun. J'ai fait une lecture avec elle et nous avons tout de suite été sur la même longueur donde. Elle avait une vision du film et du personnage extrêmement précise. Jaime les gens qui savent où ils vont, ce qu'ils font, ce qu'ils demandent et qui savent expliquer.
Jincarne Jacques, un homme perdu qui pense quil est encore flic alors qu'il ne l'est plus. Il a un côté extrêmement sensible, à fleur de peau, sans pourtant se plaindre. Il garde sa douleur pour lui. J'ai toujours admiré ces gens-là dans la vie.
Jacques a un fantôme dans sa vie, et cet autre fantôme qu'est Victoria va laider. Il n'y a pas de coïncidence. Les rencontres se font parce qu'elles doivent se faire. Avec elle, il va peu à peu retrouver la vie qu'il a perdue. Au début, il a juste assez de force pour ne pas se flinguer et puis à travers cette enquête, il va se reconstruire. C'est un personnage torturé, avec un côté naïf, et même assez gamin parfois. Victoria est son ange. Elle passe dans sa vie comme une bouée dans un naufrage. Il va s'y accrocher.
J'adore être dirigé et Sophie le fait remarquablement bien. Elle est aussi pointue sur la direction d'acteur que sur l'aspect visuel, et je sais par expérience qu'il est très rare quun metteur en scène cumule les deux qualités. Sereinement, avec beaucoup d'humanité, elle vous pousse. Elle ne lâche jamais avant d'avoir obtenu ce quelle veut. A partir de ce moment-là, tout devient facile. Je suis malléable et c'est à mon sens le propre de lacteur. Sophie mamène à des choses que je n'ai jamais faites et après vingt-cinq ans de métier au cinéma et ailleurs, j'ai envie de cela. Sophie, avec générosité, fait avancer tout le monde.
Je suis impressionné par sa justesse, celle qu'elle a mis à choisir ses comédiens, celle qu'elle met à diriger son plateau. Son parcours explique peut-être une partie de cela, mais je crois surtout que sa nature en est la vraie cause. Elle est devenue actrice extrêmement jeune. Elle n'a pas choisi de profiter d'une célébrité éphémère parce qu'un de ses films a fait un succès, elle a sans cesse continué d'apprendre.
J'ai abordé les scènes en toute confiance. Souvent, Sophie me laissait jouer comme je le sentais et commentait ensuite. C'était un tournage intense, plein d'émotions et d'action. Jétais fatigué mais au bon sens du terme, cela signifiait que javais tout donné. J'ai connu un bonheur particulier sur ce film et je sais qu'il ne se répétera pas dix mille fois. Je vais désormais le rechercher, essayer de travailler avec des metteurs en scène qui s'auront me demander des choses avec intelligence et sensibilité. Je serai alors heureux. J'ai peut-être mis vingt ans pour apprendre cela. Jai souvent cédé à la facilité mais je suis aujourdhui arrivé au point de pouvoir réellement choisir ce que j'ai envie de faire et j'essaie d'aller dans une direction qui me rendra vraiment heureux.
J'étais aussi heureux de retrouver Simon Abkarian. Nous nous étions rencontrés pour un film qui ne s'est finalement pas fait. Nous avions dîné ensemble avec l'équipe et puis cinq mois plus tard, Sophie m'annonce que c'est lui qui allait interpréter mon pote ! J'en étais très content ! Je l'adore car il donne énormément. Simon a un imaginaire, des idées. C'est un acteur extrêmement carré. Le tandem quil forme avec Marilou Berry est aussi surprenant qu'efficace. Marilou se donne à fond, elle vit tout sans compromis en parfaite harmonie avec les gens qui lentourent. Elle est simple, droite.
CAMILLE par Nicolas Briançon
J'ai reçu le scénario alors que je jouais au théâtre dans le Sud-Ouest. Je l'ai lu en une nuit et j'ai tout de suite eu envie de participer au projet. J'ai aimé la richesse du propos et de laction, le fait qu'on ne puisse pas réduire ce film à un résumé ou une définition simple. C'est évidemment un polar, mais c'est aussi une recherche d'identité de la part de chacun des personnages. Ce film étrange et profond fait résonner nos manques, notre enfance, nos errances. Je ne connaissais pas Sophie avant ce tournage et j'ai été très étonné de la voir trimballer cet univers-là. Le fait de la rencontrer ma encore plus donné envie de jouer dans son film. J'ai été assez impressionné de découvrir avec quelle force Sophie habitait et portait son sujet.
Je joue Camille Bérangère, le fils des propriétaires du Normandy, qui dirige ce palace. C'est un personnage passionnant, complexe, un merveilleux cadeau pour un acteur. Il est à la fois capable d'afficher une attitude forte, presque autoritaire, tout en ayant en lui d'immenses angoisses, des fantasmes et des frustrations. Ce sont ces fêlures qui le rendent attachant. Certains jours, j'avais presque limpression de jouer des personnages distincts et en même temps de créer l'unité en assumant ces différences. C'est le paradoxe de ce rôle. Dans ce cas précis, vouloir trouver la ligne de ce personnage aurait été une erreur. L'addition de ces contrastes finit par créer la vérité du personnage. Comme dans la vie, suivant la fonction occupée, le rôle social ou les gens avec qui on se trouve, on peut adopter des attitudes totalement différentes. Chez Camille, cela va très loin ! Il y a quelque chose d'assez étonnant avec ce rôle. Depuis que jen parle autour de moi, tout le monde croit y reconnaître quelquun quil a croisé. La vie va toujours plus loin que ce que l'on peut imaginer.
Le film ne serait pas ce qu'il est sans Sophie, sans son esprit, son acuité, sa sensibilité et sa présence. Je suis très heureux de l'avoir rencontrée. Sophie porte son film de toutes ses épaules, de toute sa tête, de tout son coeur. Elle insuffle une force incroyable aux comédiens et à l'équipe technique. Je n'ai quun seul regret, je ne joue pas avec elle !
Un acteur apprend quotidiennement sur lui-même, c'est l'aspect exceptionnel de ce métier. Je viens du théâtre et j'ai eu pendant très longtemps le complexe de " trop jouer ";. Du coup, au cinéma je me suis très souvent réfréné, quitte à adopter un jeu peu expansif. Sophie m'a poussé à extérioriser. Elle ma permis de me rendre compte quil ne faut pas avoir peur du jeu devant la caméra. C'est essentiel pour moi.
Je n'oublierai pas mes premiers jours de tournage face à Marie-Christine Barrault. Elle incarne ma mère, et les rapports avec une maman sont toujours compliqués mais en l'occurrence, ils le sont encore plus ! Nous avions des scènes fortes, dures, impliquantes et pleines de clés pour lhistoire. Il y avait de la violence, elle n'était pas physique mais humaine, sentimentale. Sophie ma porté, poussé, tiré vers ces scènes. Elle a vraiment eu un échange fort avec nous. Ces moments-là me resteront.
Je joue peu avec Christophe Lambert, mais nous avons trois scènes très fortes. J'ai particulièrement aimé celle qui se déroule dans le commissariat et qui marque le début de la reconstruction de mon personnage. Camille entrevoit alors une lueur dans sa solitude. C'est un beau moment. Ces trois mois de tournage auront de toute façon beaucoup compté dans ma vie.
PIERRE par Simon Abkarian
Le cinéma est un monde de rencontres et le travail est un révélateur. Je ne choisis pas les projets uniquement en fonction du scénario ou du personnage que l'on me propose. Pour que j'accepte, le réalisateur et les autres comédiens comptent énormément. J'épouse tout l'équipage !
L'histoire était bien écrite, avec de nombreux rebondissements bien amenés. Voir comment un acteur ou une actrice passe à la réalisation était aussi intéressant. Parfois, certains réalisateurs qui ne sont pas eux-mêmes acteurs ne comprennent pas le langage, les nécessités, les fragilités ou les certitudes des comédiens. Seul un petit nombre d'entre eux sont de bons directeurs d'acteurs.
Travailler avec la réalisatrice Sophie Marceau est simple. J'aime beaucoup être dirigé avec précision. Pour un acteur, être vrai ou juste est assez aléatoire. J'aime que le réalisateur me permette de jouer toute ma gamme et m'emmène aussi là où je ne me sens pas bien. Sophie ma demandé des gestes ou des phrases que je ne sentais pas toujours, et se retrouver dans des endroits qui semblent obscurs rend le travail passionnant. Elle maîtrisait parfaitement son sujet et ne demandait rien au hasard. En avançant avec elle, nous avons construit une relation de confiance, destime. Cela n'est jamais acquis, tout se mérite.
Je joue Pierre, un policier qui est aussi l'ami de Jacques. Il nest pas le moteur dans lintrigue, mais ce qui est intéressant pour moi en tant qu'acteur cest justement'd'arriver à faire exister quelqu'un qui ne rentre pas dans des grandes émotions ou des grandes problématiques. Pierre essaie simplement de comprendre pourquoi son pote ne va pas bien. Il apporte une composante d'humanité à Jacques, dont il révèle certaines facettes. Réussir à entrer dans de tels espaces, apparemment plus étriqués, est un vrai plaisir. Pierre a les pieds sur terre. Toujours tiré à quatre épingles, alerte, il incarne une réussite sociale. C'est lui le héros, et non pas son pote réduit à létat de loque ! C'est le héros de cette époque qui ne supporte pas de voir quelqu'un dans le doute, la maladie ou la dualité. Il veut réveiller son pote pour le ramener à la réalité et le sauver. D'ailleurs, quoi que je joue, je me dis que c'est moi le héros ! Si on joue le valet de chambre, il faut jouer le roi des valets de chambre ! J'essaie de donner de la grandeur à mon personnage, tout en sachant que si je suis un crapaud, je ne serai jamais un buf ! Il faut respecter la nature de ce quon incarne, tout en lincarnant avec le plus de noblesse possible.
A mon personnage, je dois donner ce qu'il demande. Venant du théâtre, j'ai passé mon temps à me déguiser, à me grimer, à ne pas être reconnu sur scène. Ne pas être reconnu était la reconnaissance même de mon travail ! Ce personnage ne demande pas plus que la silhouette que j'ai adoptée. Elle raconte déjà beaucoup et doit permettre au personnage d'être identifié même à contre-jour. Il y a aussi sa silhouette intérieure, définie par l'écriture. La difficulté n'est pas dans la préparation ou lincarnation, mais dans l'exécution au moment où retentit " Action ". C'est là que tout se passe. Il faut savoir son texte, écouter ses partenaires.
Avec Christophe, on avance simplement, tranquillement et ensemble. Je suis aussi heureux de jouer avec Marilou. J'aime son intelligence, son énergie et sa curiosité. Je pense que nous nous recroiserons. Sur ce film, je me souviendrai des gens, des lieux, des rencontres avec l'équipe. J'ai déjà retravaillé avec certains d'entre eux. Je réinventerais bien une histoire avec tous ces gens-là, juste pour les retrouver. Je me souviendrai aussi de la cascade en voiture que jai dû faire. Mon modeste exploit consistait à piler et à repartir en marche arrière à la poursuite de Christophe. Pour quelqu'un qui na pas le permis, j'étais plutôt fier!
ANTOINE par Robert Hossein
Sophie est venue me proposer le rôle, ce qui m'a touché. Je n'étais pas très décidé, non pas que le personnage ne soit pas dans mon univers, mais je travaillais beaucoup, et il y avait "Ben Hur". J'étais aussi un peu réticent à cause de la scène terrible sur le bateau, avec la mer démontée, et je craignais d'être malade. Sophie ma convaincu. Le jour où j'ai signé, je lui ai dit que j'interpréterai le rôle exactement comme elle le souhaitait. J'étais soumis à son regard.
Même sil est secondaire, Antoine Bérangère, mon personnage, est en grande partie responsable de la situation de beaucoup des protagonistes. C'est un personnage intéressant, caractériel. Tout l'enjeu était de ne pas le réduire à un monstre, de lui insuffler un peu dhumanité même dans sa violence. Ce rôle est dans mes emplois. Avant de tomber dans les ANGELIQUE, c'est-à-dire les marqués du destin, romantiques ou désespérés, je faisais des héros hors-la-loi qui étaient aussi romantiques.
Antoine est quelqu'un de puissant et de désespéré. J'ai essayé d'en tenir compte en linterprétant. Il y a chez lui des choses monstrueuses, mais il a une dimension humaine. Cela vient peut-être plus de la présence que des paroles, de la manière de transporter quelque chose Quand j'étais gosse, j'ai lu une phrase de René Char qui ma bouleversé. Dans "Les Feuillets dHypnos", il a écrit "Pleurer longtemps solitaire mène à quelque chose". Cette phrase m'a accompagné toute ma vie. Elle est vraie. Elle pourrait s'appliquer à Antoine.
Sophie et moi sommes tous les deux comédiens. On jouait ensemble dans un film quelle réalise. Il y avait une relation sur les deux niveaux. Sur le tournage, Sophie était extraordinairement exigeante, elle me faisait recommencer des scènes, mais elle avait la même exigence vis-à-vis delle-même. Elle allait voir le résultat, et si elle n'était pas satisfaite, elle ne lâchait pas, elle nous corrigeait et se reprenait aussi sans complaisance. Jai trouvé cela très émouvant. Elle savait exactement ce quelle voulait ou ne voulait pas. Je l'ai écoutée absolument et totalement. Ce qui me touche, cest sa non-satisfaction delle-même, son exigence. Elle est toujours à la recherche d'amélioration. Cela donne confiance. Pendant le tournage, je lui disais toujours "Oui madame", comme si j'étais l'élève à lécole. Après les 100 films que jai faits, elle me disait " Un peu moins comme ça, ici il est un peu plus comme ça, là, je préfère ceci " et moi j'écoutais, j'étais au cours. J'apprenais ! On s'est très bien entendus. Elle a même fait tourner mon fils, Julien. Il me joue jeune !
Dans son film, je retrouve beaucoup des thèmes qui me touchent. C'est une histoire humaniste, avec quelque chose de très intime sur les failles, les ruptures. Pour une femme si jeune, Sophie a une connaissance étonnante de la nature humaine. Elle a un don dobservation. Je suis impressionné par le regard quelle porte sur les choses, et lincroyable maturité dont elle fait preuve dans sa perception des êtres. Je suis ravi d'avoir participé à son projet. Nous avons vécu beaucoup de choses fortes. Je ne m'imaginais pas à mon âge, me retrouver sur un bateau en pleine tempête pour jouer un personnage pareil ! Même les pilotes voulaient que l'on rentre à terre tellement les creux étaient grands ! En fait, tout le monde a été malade, sauf Sophie, Christophe Lambert et moi !
MELANIE par Marie-Christine Barrault
Bien que n'ayant fait que croiser Sophie sur un film il y a longtemps, j'ai une passion pour elle. Je la trouve sublime de beauté, de rayonnement et de chaleur humaine. Son scénario ma impressionnée. L'histoire est à la fois très intimiste, avec des enjeux humains forts, le tout mêlé dans un rythme et un suspense de thriller. On est pris par le mystère. Jai trouvé qu'il y avait de vraies scènes avec, pour nous comédiens, le temps de faire exister nos personnages.
Mélanie, mon personnage, est à la fois une victime et une complice. Peut-être par manque de courage, elle accepte les faux-semblants et les mensonges qui cernent sa vie. Elle est dans un fauteuil roulant depuis très longtemps. Cest elle qui possède lhôtel. Son mari est dépendant delle mais il la délaisse. Elle tolère ses incartades et a reporté toute son affection sur ce fils, Camille. En quelques jours, elle va craquer et aller au bout de son désespoir. Comme tous les protagonistes du film, elle est poussée à ses extrémités. Si on est pessimiste, on se dit que les personnages tombent tous, si on est optimiste on se dit que cest peut-être leur seule chance de se relever. La première fois que j'en ai parlé avec Sophie, j'ai senti que c'était plutôt la version optimiste qui 'lintéressait. Elle ne voulait pas mettre en scène des gens écrasés par la vie, mais au contraire, dire qu'au-delà de la dissimulation, du non-dit et des vies ratées, il y a toujours une chance de dépasser lombre pour gagner la lumière.
J'aime bien travailler avec des femmes. Ça change la relation. Avec un homme, il y a forcément un rapport de séduction, même si on ne pense même jamais à aller plus loin. Avec une femme il y a une connivence, un compagnonnage Il y a des choses sur lesquelles on se retrouve, et d'autres pas du tout ! On est toutefois du même côté.
Sophie est quelqu'un pour qui j'ai une immense sympathie depuis toujours. Cette petite fille est apparue dans le cinéma, et elle a grandi, mûri devant nous, elle a appris la vie. On la vue éclore, c'est assez rare, puis évoluer pour devenir une femme. Elle ne s'est jamais perdue. J'ai été fascinée par sa précision en tant que réalisatrice, sa capacité à mener chaque acteur au bout de lui-même. Cela tient sans doute en partie au fait qu'elle est elle-même comédienne. Elle n'est pas enfermée dans son idée dune interprétation. Elle a une énergie inimaginable. Même après des semaines de tournage, elle n'avait rien perdu de son élan.
Sophie a fait une distribution très exigeante. Elle n'est jamais allée à la facilité et cela sert la richesse de son film et de son propos. Jouer avec Nicolas Briançon était un bonheur. J'avais joué au théâtre avec lui pendant un an une pièce qui sappelait " Enfin seul " dans laquelle il était mon fils déjà ! J'étais enchantée de le retrouver, je l'aime beaucoup.
Je n'ai aucune scène avec Robert Hossein qui incarne pourtant mon mari. Sophie souhaitait d'autant plus que nous formions un couple plausible. Je n'ai eu que huit à dix jours de tournage mais je n'avais que des grandes scènes.
Je ne fais plus de cinéma depuis pas mal de temps. Je travaille énormément sur le spectacle vivant. Ma vie, c'est la scène. Au théâtre, il ny a pas dintermédiaire avec le public. Une fois que le rideau s'ouvre, vous êtes là. J'aime être physiquement sur scène. Pourtant, malgré le puzzle quest un film et tout ce qui peut transformer votre travail, il y a longtemps que je n'avais pas eu des scènes d'une densité aussi incroyable. Sophie ne s'est pas contentée de petites choses, elle m'en a demandé plus et j'en étais heureuse.
FRED par Marilou Berry
Avec Sophie, nous avons parlé du projet et elle m'a donné le scénario. Je l'ai trouvé assez gonflé, rare dans le cinéma français. Interpréter une flic m'amusait bien et jouer avec Christophe Lambert et Simon Abkarian me tentait vraiment. Il me semblait que le public aurait envie, tout comme moi, de voir ce film.
La police est un univers où il n'y a pas beaucoup de femmes et la présence de Fred, mon personnage, est importante, ne serait-ce que pour cette raison. Fred est la partenaire de Pierre, joué par Simon. Leurs relations sont celles d'un frère et dune sur un peu chamailleurs. Plutôt simple, extérieure à la relation entre Pierre et Jacques, Fred sait où elle va et ne se perd pas en méandres. Elle n'est pas impliquée dans toutes les relations complexes qui lient les personnages. Elle connaît Jacques parce qu'ils bossent ensemble. Qu'il passe de l'autre côté ne l'empêchera pas de conserver de bonnes relations avec lui. Elle essaye de suivre laffaire en restant neutre. Cela lui permet aussi d'être là pour les uns et les autres.
Sophie était sur tous les fronts. Elle a écrit, elle jouait et réalisait. Travailler avec elle est facile, elle ne se perd pas en hésitation. La plupart du temps, je joue avec Simon. Je suis très heureuse de l'avoir rencontré. Il est très drôle. Il apporte autant d'intelligence que d'ambiance. Dans le film, il y a une course-poursuite importante. Elle était assez compliquée à tourner car ni Simon ni moi n'avons le permis de conduire. Sauf exception, nous sommes doublés par des cascadeurs. Elle est découpée en trois parties, sur trois semaines de tournage - à Paris, au Havre avec le pont de Normandie et sur les routes. C'est ma première scène de poursuite !