HEROS (BANDE ANNONCE 2006) avec Michael YOUN - Elodie BOUCHEZ - Patrick CHESNAIS
HEROS
de Bruno MERLE
avec Michael YOUN - Elodie BOUCHEZ - Patrick CHESNAIS - Jackie BERROYER- Raphaël BENAYOUN - Roland CHAPPE
L'HISTOIRE : Pierre Forêt est drôle et c'est son drame. C'est aussi son métier ; il est chauffeur de salle à la télé. Pierre Forêt est drôle mais il aurait préféré être beau. Ou alors comédien. Ou chanteur. Question de crédibilité.
Pierre Foret n'en peut plus. Ça fait six nuits qu'il ne dort plus. Il a enlevé Clovis Costa, le chanteur, l'idole, et le séquestre dans l'appartement de son enfance. Aucune issue.
RENCONTRE AVEC BRUNO MERLE (RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE)
COMMENT EST NÉ LE PROJET ? Difficile de situer la naissance du projet. Je fonctionne toujours de la même manière, laissant les histoires se construirent dans ma tête, presque malgré moi, sans rien poser sur le papier, salimentant naturellement de conversations avec ma coscénariste Emmanuelle Destremau. Un jour, le projet nous a semblé suffisamment mûr et nous nous sommes mis devant lordinateur. Cette première phase décriture est assez jouissive, dans limagination brute, dégagée des contraintes de faisabilité. Très vite, on a rencontré Les Films du Requin, qui se sont tout de suite enthousiasmés. Cétait il y a quatre ans et leur enthousiasme na pas faibli. Ensuite, il y a eu la deuxième phase de réécriture, beaucoup plus technique et laborieuse, mais qui avec le recul, na que très peu abîmé ce qui pour nous était lessentiel. HEROS, cest lhistoire dun homme qui voudrait quon pleure plutôt quon rie. Qui voudrait émouvoir, les autres, les filles, une fille en particulier, parce quau bout du compte tout se fait au nom dune fille. Cest aussi avant tout, une prise dotage, un homme qui enlève une star, lidole dun pays, de son enfance, une figure paternelle. Cest un face-à-face. Jai auparavant écrit dautres histoires. Des histoires souvent sombres (mais rarement désespérées) et je me suis donc très tôt confronté au système de financement des films qui, on le sait, a tendance à craindre la noirceur. Pour moi, cest un des sujets de HEROS, un individu qui clame son droit à la tristesse, et en cela ma démarche rejoint celle de mon personnage. Cest important aussi de filmer la douleur, de proposer au spectateur une représentation de sa propre souffrance, surtout dans une époque qui voue un culte exclusif au divertissement.
COMMENT AVEZ-VOUS CONSTRUIT VOTRE HISTOIRE ? Le principe du huis-clos est venu très vite, comme un défi. Mais je suis nourri de cinéma, et je ne voulais pas que ce huis-clos tombe dans le travers habituel et se transforme en pièce de théâtre filmée. Je voulais travailler la mise en scène, la narration, pour que ce soit un pur objet de cinéma. Cette espèce de déstructuration du récit qui fait le récit en luimême, est venue de cette envie de cinéma. Lhistoire est une sorte darborescence. Je fonctionne comme cela : jouvre plein de choses et puis je les referme peu à peu ensuite, jusquà la dernière, sans forcément répondre à toutes les questions. Jaime construire mes histoires sur la frustration du spectateur qui se résout peu à peu. Les rebondissements, les retournements de situation, sont aussi nés de cela. Du désir de satisfaire le spectateur dans un plaisir de cinéma basique. Je navais pas du tout envie dun film abstrait, intellectualisant. On est dans le ressenti, le vécu.
AVEZ-VOUS DES POINTS COMMUNS AVEC PIERRE ? Michaël Youn prétend que jai beaucoup de points communs avec lui. Il se trouve que lui aussi en a beaucoup ! Comme Pierre, je suis un musicien frustré, je ne fais du cinéma que pour mettre des images sur des musiques.Sinon, mon principal point commun avec lui est une naïveté primaire, presque infantile, que jassume totalement. HEROS, son personnage, et moi-même, fonctionnons seulement au premier degré, sans cynisme. Je crois que je suis parfois aussi grandiloquent que lui, que jai cette vision romantique, énorme, très « Cyrano de Bergeracquienne » des choses.
LE FILM EST TRÈS HUMANISTE PAR SON PROPOS, ET SUR LA FORME IL PREND UN ASPECT ASSEZ EXPÉRIMENTAL PAR MOMENTS, ENTRE MAÎTRISE FORMELLE ET VARIATIONS DE STYLES La génération des réalisateurs daujourdhui a une grande chance : il existe déjà un long passé de cinéma derrière nous, dautres formes dimages sont apparues avec la télé et les nouvelles technologies plus récemment. On peut se nourrir aujourdhui sans dogmatisme de styles très différents. Ma base est très classique, Hitchcock avant tout, la maîtrise, le classicisme, au service du spectateur mais depuis il y a eu beaucoup dautres choses qui mont aussi intéressé. REQUIEM FOR A DREAM de Darren Aronofsky pousse cela à un niveau maximum. Cest extrêmement expérimental, mais les séquences les plus fortes, les plus émouvantes, sont en réalité très simplement filmées. Si la mise en scène compte beaucoup pour moi, je place les personnages au-dessus de tout. Javais envie que la priorité soit toujours à leur lémotion, à leur intimité. La mise en scène est en retrait dans ces moments là, et elle est plus en avant quand on est dans laction. Javais aussi envie de placer les gens dans une situation de réalisme absolu, mais de leur donner parfois un recul par rapport à tout ce quils voient. En impliquant le spectateur par la forme, je linvite de manière insidieuse à faire la connaissance dun homme. Cest un type qui a un côté grenade dégoupillée au début et dont lhumanité se dévoile petit à petit. Ce nest quun héros banal des temps modernes.
COMMENT AVEZ-VOUS CHOISI VOS COMÉDIENS ? Jai dabord écrit le film, et ensuite seulement réfléchi aux comédiens. Mais Michaël Youn est le premier que jai envisagé. Il y avait une espèce de proximité évidente entre lui et le personnage. Peut-être dailleurs que Michaël a trouvé une résonance en lui. Il a un vrai talent comique reconnu; en même temps, il y a chez lui une faille qui saute aux yeux, une espèce dhypersensibilité. Pour moi, il nest pas du tout dans le contre-emploi, jinsiste là-dessus. Le personnage est un mec drôle, immature, sensible, cétait assez naturel de sadresser à Michaël. Il est devenu lincarnation de ce que javais imaginé, au-delà de tout ce que javais pu espérer et ma offert en plus un vrai plaisir de travail. Le métier de comédien est difficile, ils sont souvent à part, en retrait dans leur loge, à maintenir leur concentration malgré le fracas du plateau. Michaël, cétait tout le contraire, il était le premier arrivé, il saluait tout le monde, il était avec nous, il venait même quand il ne tournait pas. Il était membre de léquipe à part entière. Cest un travailleur forcené, il sinvestit dans ce quil fait, même quand cest ce quil appelle « de la gaudriole ».
ETIEZ-VOUS CONSCIENT DAPPUYER AUTANT LE PERSONNAGE SUR LES ALLERS-RETOURS AVEC SA PERSONNALITÉ À LUI ? La première scène sert à régler ça, justement : cest le pont entre ce quon connaît de lui et là où je souhaite amener les gens. Cest ma manière de dire « vous venez voir Michaël Youn, je vous en donne cinq minutes, après cest réglé on passe à autre chose ». Cette scène était écrite avant que Michaël donne son accord, elle aurait existé même si ça navait pas été lui qui avait joué Pierre, mais cela tombe remarquablement bien. De toute façon, je voulais faire ce film avec quelquun qui ait un talent comique évidemment, mais aussi une dimension physique, corporelle, animale.
COMME DANS LHISTOIRE,VOTRE FILM MARQUE UNE RENCONTRE, CELLE DE MICHAËL YOUN ET DE PATRICK CHESNAIS Patrick Chesnais est un acteur que jadmire depuis toujours. Cest un comédien qui sinscrit dans une tradition des grands acteurs français, mais il a un ton bien à lui quil cultive de film en film. A priori, il ny avait pas de lien entre Patrick et son personnage, cétait un peu un pari. Je trouve que cest le comédien français le plus juste dans son ton. On peut lui demander de jouer nimporte quoi, il sera toujours dedans. Javais vraiment très envie de tourner avec lui. Il apporte une dimension très forte à son personnage. Les confrontations ne seraient pas aussi puissantes sil navait pas été en face de Michaël. Dailleurs le public ne sy trompe pas. Cest un comédien extrêmement populaire. Je nai jamais rencontré quelquun qui ne laime pas. Il réunit tous les publics. Le rapport de Michaël à Patrick était très intéressant sur le plateau, il y avait une étonnante proximité avec le rapport des deux personnages. Beaucoup de respect, et de curiosité ; javais dailleurs fait en sorte quils ne se voient pas avant le tournage, pour que la rencontre se fasse sur la pellicule.
ET LES AUTRES COMÉDIENS ? Elodie Bouchez est une comédienne qui ose lémotion, et javais envie de cela. Sur le tournage, il sest passé quelque chose dincroyable. Je dois avouer que ma façon de tourner est très précise, je répète beaucoup avant pour être très technique au moment du tournage, et du coup je ressens rarement la magie au moment où je filme. Quand on a tourné avec Elodie, le procédé de mise en scène était très différent du reste du film. On était dans une autre configuration de tournage, avec une équipe réduite, en Espagne, au soleil et nous devions aller vite. La mise en scène se voulait très épurée et tout reposait sur Elodie. Elle a joué sa scène et jai vu tous les gens complètement embarqués par une émotion immédiate, brute, comme je létais moi-même. Cétait très fort, intense. En plus, elle nous la fait dix fois de suite, et différemment ! Jai été très impressionné par son travail. Jackie Berroyer a dû tourner trois jours alors que nous étions déjà une famille, enfermés ensemble. Il a apporté du jour au lendemain une autre énergie sur le plateau. Il a tout donné. Physiquement, cétait impressionnant, il était en nage, il sest totalement investi. Pendant la prise, les gens se retenaient de rire pour exploser après. Cétait le moment le plus ludique du tournage.
VOUS DITES QUE VOUS PRÉPAREZ BEAUCOUP, LAISSEZ-VOUS UNE PLACE POUR LIMPROVISATION ? Pratiquement pas. Jai un découpage très précis, qui indique les emplacements caméra, les mouvements, après on revoit tout dans le décor avec le chef opérateur et le premier assistant . La seule place que je laisse à limprovisation, cest pour que le comédien soit à laise dans ce quil joue. Si au tournage, je vois que ça ne fonctionne pas, si lacteur ne le sent pas, je madapte. La chance, avec Michaël, cest quil a une vraie vision de la mise en scène, on sest très bien compris. Je fais le plus possible de répétitions. Avec Michaël, on en a fait énormément, il était en demande de ça. Je voulais en avoir beaucoup avant pour ne pas avoir à me préoccuper de ça pendant le tournage, pour se connaître déjà, avoir un langage commun, une perception commune du personnage. Quant à Patrick, jai bien senti que ce nest pas sa façon de travailler, et jai décidé de lui faire confiance.
LE FILM SE DÉROULE QUASIMENT DANS UN DÉCOR UNIQUE Nous avons tourné dans un ancien bâtiment abandonné de lEcole Normale dans le parc de Saint-Cloud. Nous y avons créé un appartement complet. Pour les couleurs, je suis très cinéma asiatique. Le chef opérateur, Georges Diane, a beaucoup éclairé au néon, ce qui accentue le côté oppression, et les lumières tombent en douche sur les visages. Mais javais aussi envie que petit à petit, le film devienne baroque, je voyais des couleurs plus vives sur certaines choses, à certains moments. Le film change de tonalité au fur et à mesure quil progresse.
LA MUSIQUE TIENT UNE PLACE IMPORTANTE DANS VOTRE FILM
Elle est essentielle. Il y a dabord la chanson de Clovis Costa, Cest mon corps. Il fallait composer un tube, ce qui était difficile ,à appréhender. Sil y avait une méthode pour écrire un tube Au résultat, je suis très content ; ça nest pas de la grande musique - et ça ne voulait pas en être - mais ça tourne, et ça reste dans la tête. Cette chanson est écrite comme un cover français de la chanson du flash back : Vampire, que lon doit à une artiste qui sappelle Ruppert Pupkin. Jaime beaucoup la séquence du flash-back, qui est bien plus charnelle que le reste du film et qui repose en grande partie sur sa musique. Dès le début, jai voulu que la musique soit le coeur du film. Jai énormément impliqué les gens qui lont écrite. Clément Tery a fait le score, la musique symphonique, ladagio, ainsi que la musique électronique très âpre du début. Il est allé puiser dans une palette très large et cette collaboration dont je suis très heureux a été une phase fascinante et primordiale pour moi dans la fabricatio de mon film.
AVEC LE RECUL, TROUVEZ-VOUS QUE TOUT CE QUE VOUS AVIEZ IMAGINÉ SUR LE PAPIER FONCTIONNE BIEN À LÉCRAN ?
Je suis le plus mauvais spectateur de HEROS et je suis bien incapable de le juger.Beaucoup de risques ont été pris sur ce film : jouer sur la narration, faire ponctuellement sortir le spectateur de lhistoire, frôler lexpérimental, étirer les plans séquences. Et en même temps javais lintuition que plus on prendrait de risques, moins ce serait dangereux en réalité ; comme si la multiplication des risques les annulait ; comme si cétait cela qui fondait la cohérence du projet. Ma plus grande leçon a été sur le rythme et je salue au passage le dantesque travail de la monteuse Elise Fievet. Mais de façon presque immature, je navais peur de rien, javais limpression quon pouvait tout tenter, javais une confiance totale dans les gens qui mentouraient. Tout ça nétait quun grand jeu, même si nous y avons mis beaucoup de nous-même. Toujours ce côté inconscient, naïf. Et libre, jespère En tout cas jai fait le film que je voulais, ce qui na été possible que grâce à la confiance de la production. Au-delà de tous les aspects formels du film, de sa folie, de sa rageparfois, HEROS se veut avant tout, simplement, lhistoire dun homme. Et jespère que les spectateurs parviendront à capter, avec la même naïveté que celle qui a été la nôtre, ce tout petit bout dhumanité.
(BANDE ANNONCE 2006)